Tous nos battements de cœur – Erika Boyer

Je ne sais pas ce que tu feras de cette lettre mais même si tu la jettes, j’espère que tu n’abandonneras pas ce qui a fait naître notre histoire. L’encre de nos mots m’est aussi importante que la musique qui s’échappe de ton piano ou le son de ton cœur frappant ma joue lorsque je m’allonge contre toi ; c’est ce que j’ai de plus précieux.

Je veux continuer à chérir tout ça. Le feras-tu avec moi ?

Joy à Helena.

TITRE : Tous nos battements de cœur

AUTEUR : Erika Boyer

ÉDITION : Auto-édition

Prix : 4,99€ (ebook) , 21,90€ (relié), 15,90€ (broché)

NOTE : 18/20

[TW & mentionnés, évoqués] : accident, handicap, reconstruction, rupture.

RÉSUMÉ :

Joy mène une vie tranquille, paisible, bercée par la douce mélodie qui s’échappe d’un appartement voisin. Chez elle, à l’abri de ce monde qui lui fait ressentir trop vivement les choses, elle est en sécurité.

Un jour, elle découvre un courrier qui ne lui est pas adressé dans sa boîte aux lettres. Helena, la pianiste qu’elle aime écouter jouer, a quelques paroles de son cru à offrir à la vieille grincheuse de leur résidence…

Joy pourrait se contenter de transmettre le message à son véritable destinataire et ensuite l’oublier, pourtant, sans vraiment savoir pourquoi, elle décide de répondre à Helena.

Après tout, quelques mots ne changeront pas son existence, n’est-ce pas ?

MON AVIS :

Ça fait un moment que je n’ai pas chroniqué un livre, alors j’espère ne pas avoir trop perdu la main. Une fois n’est pas coutume, je reviens faire chauffer mon clavier pour parler d’un roman de Madame Erika Boyer !

Cette fois-ci nous embarquons dans une romance contemporaine lesbienne en compagnie de la douce Joy et de la vive Helena. Petite particularité néanmoins, dans ce roman Erika s’essaie avec brio a une narration épistolaire !

Je suis toujours aussi fascinée par la capacité qu’a Erika à écrire pour plusieurs. On sait tous que c’est déjà du taff’ d’écrire plusieurs personnages, avec plusieurs points de vue, mais c’est tout autre chose de prêter sa plume à ces personnages et d’écrire pour eux. Erika prouve encore une fois combien elle est talentueuse, parce qu’elle y arrive à la perfection : on note une profonde différence entre les lettres de Joy et celles d’Helena, chacune a sa propre plume et son propre rapport aux mots. De la même façon, il y a un fossé entre leurs échanges par lettres manuscrites, par mail ou par SMS qui est d’un réalisme ahurissant. Si vous n’avez jamais eu l’occasion de correspondre par lettre interposé vous aurez peut-être du mal à comprendre à quel point le travail d’Erika sonne juste.

Et c’est d’ailleurs parce que j’ai eu la chance de vivre une situation similaire que j’ai eu un peu de mal à lire le début de ce roman. J’avais constamment l’impression d’épier quelque chose de très intime en lisant ces lettres un peu bancales, quelque chose qu’il ne m’appartenait pas de voir. Une fois leur relation établie, c’est un plaisir de les lire ; mais il y a ce truc, ce début de relation un peu titubante où chacune s’ouvre de façon très vulnérable qui m’a mise mal à l’aise. Et encore une fois, ça prouve bien à quel point Erika maîtrise son sujet !

Du reste, j’ai absolument adoré l’histoire ! Joy et Helena sont tellement humaines et imparfaites qu’il est très facile de s’y attacher et de se retrouver en elles. Leur relation est tout simplement adorable et les moments de vie choisis sont vraiment inspirants (j’ai presque envie de partir à la montagne maintenant). Ceci étant, vous vous doutez bien que leur mise en couple n’est pas du tout la finalité dans ce roman, et se sont réellement les épreuves qu’elles traversent qui les rendent si parfaitement vraies.

Cette partie va spoiler sévère parce que je ne veux pas me censurer, donc je vous recommande de sauter tout ce paragraphe si vous n’avez pas lu le livre et ne souhaitez pas vous soit révélées certaines parties. Donc, l’accident. Au début j’avais vraiment peur qu’on tombe dans le cliché du rétablissement miracle, ce n’est pas le cas, et les médecins sont suffisamment compétents pour être assurés de leur diagnostic. Ce qui est intéressant avec l’accident, c’est la réaction de Joy qui fait preuve d’un déni permanent face au handicap d’Helena, à tel point que ça en devient oppressant voire énervant. Je ne doute pas une seconde de ses bonnes intentions, je ne pense pas qu’elle soit suffisamment fourbe pour volontairement blesser sa compagne, mais ses mots sont cruels et à mesure qu’elle écrit (et qu’elle rappelle encore et encore à Helena tout ce qu’elle a perdu), elle se convainc elle même que la fantaisie qu’elle s’est créé est la réalité. Elle est persuadée que tout « rentrera dans l’ordre » à un moment ou à un autre, et elle refuse d’enlever ses œillères par elle-même, y compris quand c’est Helena qui le lui demande. Les derniers échanges entre Helena et Joy sont extrêmement violents et difficiles à encaisser, et les entrées du journal de Joy qui suivent sont tout simplement déchirantes. Et oui, j’ai pleuré !

Et après toutes ces montagnes russes émotionnelles, je suis extrêmement contente de la fin du roman. J’imagine qu’il aurait pu se finir de trois façons différentes (dans les grandes lignes), et je suis ravie qu’Erika nous offre une fin douce amère qui apporte pourtant tellement d’espoir.

J’exprime mieux mes sentiments avec mes gestes qu’avec mes paroles, de toute façon. J’espère que tu l’as vu. Vraiment, j’espère que tu as compris chacun de mes silences ; jamais ils n’ont été aussi sincères, c’est une promesse.

Helena à Joy.

Mention spéciale à Hope et Sunny sans qui ce roman ne serait clairement pas le même. J’aspire à être une grande sœur comme Hope (même s’il y a très peu de chance pour que j’y arrive) et Sunny est littéralement un rayon de soleil, une boule d’amour et de soutient pour sa maîtresse ♡.

En bref, c’est encore une fois c’est un excellent roman que nous offre Erika Boyer. Si j’ai pu douter de la forme, c’est en réalité une formule qui fonctionne à 100% et qui correspond incroyablement bien à Joy et Helena. Leur histoire n’est pas parfaite et elle n’en est que plus belle pour cela. J’en retiens beaucoup de chaleur malgré les déceptions, et beaucoup d’espoir : c’est tellement épanouissant de pouvoir se souvenir d’une relation avec tendresse et sans rancune ! ♡

(PS : en lisant ce roman j’ai regretté d’avoir jeté ces ‘lettres’ et autres petits mots qu’on avait pu échanger…)

(PPS : en rangeant mes affaires j’en ai retrouvé une partie qui avait réchappé à mon tri intensif. Je les ai relues, et je les ai trouvées tellement cringe que je me demande si ce n’est pas mieux d’effacer toute trace de nos échanges. Ils étaient plus poétiques dans mon souvenir T-T)

Peut-être que sans nous en rendre compte, nous tomberons amoureuses […] et tous nos battements de cœur se mettront au même rythme… Tu ne mettras pas de l’ordre en moi, tu chambouleras encore plus les choses,mais je crois que cela me plaira. Alors il se pourrait que je trouve le courage de partir à la montagne ou à la mer avec toi, j’en viendrai à faire des choses que je pensais impossible, tu rendras tout réalisable.

Joy à Helena.

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